En cet instant, rien n'existait. Le public bien habillé, les coupes de champagne, le regard sévère de sa mère dans la salle alors même qu'elle devait faire bonne figure pour participer aux messes basses de ses camarades de bon sang.
Il n'y avait qu'elle, que le poids de son instrument contre son cœur et la sensation familière des fils contre ses fins doigts. Là étaient leur place, là était leur juste rôle. Cette harpe en épicéa gravé par l'or et l'argent était la sienne et la sienne seulement. Elizabeth Hailey Crowley en connaissait chaque centimètre, chaque creux et chaque bosse. Par l'entraînement, elle avait incorporé l'objet comme une extension de son âme en ce monde. Ces sons n'étaient pas les siens, n'étaient pas la représentation de son esprit ou d'une quelconque aura. Mais pourtant son interprétation, elle, était plus personnelle. Liz sentait ses propres vibrations alors que les notes claires se faisaient entendre à chaque geste de ses doigts. Pas un seul son n'était maîtrisé, pas une faute ne venait ruiner ce début, rien n'allait se mettre au travers de son apothéose d'un soir.
Deux silhouettes marchaient vers le château, la détermination luisant dans leurs regards telles des étincelles ardentes dans un âtre. Et ce dernier venait à peine de s'allumer.
Toujours les yeux fermés, la demoiselle se laissait guider par l'habitude et la connaissance. Était-elle une virtuose ? Oui si on prenait les capacités, non si on prenait le talent inné. Mais si on pensait que certains étaient naturellement doués pour jouer, la noble était douée pour apprendre... Elle avait é tant de temps sur ces cordes, de temps à saigner et à pleurer pour pouvoir jouer un peu mieux, un peu plus vite. Un peu plus intensément. L'accord devait être parfait, tout devait se synchroniser. Peu lui importait la musique au final, la Crowley se devait de pouvoir jouer n'importe quoi à la perfection. Car tel était son rôle, sa tâche. Voilà ce que l'on attendait de la noble...
Combien la regardaient ? Pensaient-ils qu'elle était talentueuse, étaient-ils iratifs ou en émoi ? Plaire pour le plaisir de se savoir reconnue, plaire pour son égoïsme, plaire car Elizabeth se devait d'être satisfaite et satisfaisante.
Les portes du château s'étaient ouvertes, acceptant en sa gueule les sacrifices à venir. Les protagonistes de cette expédition étaient au centre d'un bien triste cercle. Des regard haineux, curieux, outré. Qui se tenait le bras ? Qui saignait en se tenant le nez avec un air mauvais ?
Au milieu du chaos, une silhouette. Une personne assez grande, massive même. Et sa stature ne faisait que souligner cette tension naturelle qu'il apportait. Et le silence se fit...
Les mouvements se faisaient rares dans la salle. Le plus commun des respects était de laisser les musiciens finir leurs œuvres. Seuls de rares murmures et les déplacements de quelques serveurs ou personnes obligées venaient perturber cette bulle parfaite. Le son de la harpe semblait ravir, certains allant jusqu'à complimenter cette femme qui avait amené la joueuse. Et, comme à son habitude, elle ne souriait que d'une politesse réservée. Son regard montrait du contentement plus que de la fierté. Elle restait la mère après tout, ce n'était pas le moment de parler de félicitations. Ce n'était jamais le moment.
Sang, cris, larmes... et le plus terrible des rires : celui venant du malheur. Les cornes brisées étaient au sol et l'air empoisonné frappait telle la pire des malédictions. Le chaos était venu avec ses deux cavaliers, apportant l'agitation des esprits à la haine ravivée. Pour un coup donné, un autre était reçu. Et l'iration des ennemis n'avait pour égale que leur envie d'écraser la source de cette perturbations en une si belle soirée.
Elizabeth se trouvait dans sa chambre, nettoyant sa harpe au milieu d'un long silence. Cela lui faisait du bien, de profiter un peu de n'avoir aucun son pour la déranger. La jeune femme avait demandé à sa servante d'attendre à l'extérieur et de ne la déranger que pour une urgence. Elle avait donc... cinq minutes ? Peut-être moins, on ne voyait pas le temps er quand on s'occupait ainsi. Mais au moins sa harpe brillait comme au premier jour. C'était peu noble que de s'occuper de ce genre de choses, mais il était tout aussi important de connaître et prendre soin de son instrument comme on le ferait avec ses mains ou sa chevelure.
Ce qui fut imprévu, ce fut la visite inopinée d'une silhouette assez grande. Une femme aux yeux de forêt qui s'approcha pour se tenir à quelques pas de sa fille.
" - C'était décent, Elizabeth. Les attentes seront hautes la prochaine fois. "
" - ...Je vous remercie. Je ferai mieux. "
" - Je l'espère bien. Je vais me reposer, nous nous reverrons demain peut-être. "
Et le départ de la vampiresse fut accompagné par une seconde entrée. Quatre minutes et vingt secondes... elle ne savait définitivement pas attendre le bon moment pour annoncer les nouvelles, cette servante. Mais au moins cette venue permit à Elizabeth d'oublier son amertume l'espace d'un instant.
Quelques mots lui furent soufflés, des mots qui eurent pour première réponse un sourire amusé ainsi qu'un soufflement de nez.
" - Tu serais surprise si je te disais que je ne suis pas étonnée ? "
" - Non, sans doute pas. "
La musicienne se leva pour marcher vers sa fenêtre et observer les lueurs de la ville. Une main sur la vitre, elle semblait toucher ce double d'elle qui ne faisait que renvoyer un air ravi. Maintenant on n'allait pas pouvoir lui ref sa charmante demande...
" - Prépare tes affaires, nous partons bientôt... et pour longtemps. "
![Récital pour un bal pourpre-[C]
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[Ci]En cet instant, rien n'existait. Le public bien habillé, les coupes de ch](https://image.staticox.com/?url=http%3A%2F%2Fpm1.aminoapps.vertvonline.info%2F8960%2F1eab01dbbc0968531a159f41a663becb04746383r1-736-736v2_hq.jpg)
Comments (1)
NA : Pardon si il y a des fautes. J'ai pas eu l'énergie de me relire.