![Le Pacte - Partie 3-[IMG=LYE]
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Partie 2 => Le Pacte - Partie 2
Partie 4 => Le Pacte - Fin
Dans le coin gauche de ma chambre, il y a bien quelque chose.
Minuit a sonné depuis longtemps, je consulte mon portable lorsque je remarque le mouvement des ombres. Elles ondulent, comme des flammes noires, je n’ose plus bouger, mon portable tombe de ma main. Lentement, le coin d’ombre accouche d’une tête, d’un tronc et de membres. L’être se redresse, sa peau est rose et humide. Pas de bouche mais de grands yeux noirs, deux trous qui s’ouvrent sur un puit de ténèbres.
Il a la maigreur d’une tige et la taille d’un enfant.
Des sueurs glacées me glissent le long du dos. Au début, je suis si terrifiée que je n’entends pas son murmure. Il clopine jusqu’au bord de mon lit, approche son crâne malingre de ma joue et répète la même question, sa voix crisse contre mon oreille :
« Veux-tu faire un pacte ? »
………….
Les notes s’envolent avec leurs petites ailes blanches, autour de moi virevoltantes, elles se posent sur mes épaules, dansent dans mes cheveux, et vont fêter leur beauté auprès de mes camarades.
Pour la première fois, je joue au lycée. J’ai amené mon violon, dans son étui rouge écaillé.
« Oh, toi aussi tu joues du violon ? » m’ont-ils demandé en se souvenant pour la première fois de mon existence. J'ai répondu oui et j’ai souri jusqu’aux oreilles sans m’en rendre compte.
Quand la musique quitte mon violon pour s’élever dans les airs, je ne reconnais pas le son qui la tisse.
Profond, vibrant, enflammé.
Je joue et j’entends Line. Les autres, peut-être, ressentent-ils aussi cette troublante ressemblance, alors ils lui demandent de jouer à ma suite. Elle s’avance avec grâce, me sourit doucement et fait glisser son archet contre les cordes.
Oui, je me suis assurément hissée à son niveau. Mais elle, elle a de l’amour qui déborde des yeux et elle le donne aux autres avec une pureté qui me retire mon sourire. Et puis, Line est belle, les rayons matinaux tapent contre son visage, révèle l’ambre de ses iris et le diaphane de sa peau.
Alors quoi ? Tu n’es pas satisfaite.
Je ne sais pas.
Tu as cessé de sourire.
Je ne sais pas.
Je t’ai donné ce que tu voulais pourtant.
Je sais.
Ton inconfort me peine, je veux t’aider.
Tu le peux ?
Le pacte est un échange. Pour ce que je prendrai, je peux bien t’offrir un cadeau supplémentaire.
Que veux-tu m’offrir ?
Mais cela fera du mal à Line.
Depuis quand les démons s’occupent-ils du mal et du bien ?
Démons ? J’ai pleuré ta détresse et souhaité ton bonheur, n’est-ce pas ce que vous autre appelez le bien ?
Sans doute, mais il y a toujours une contrepartie à ce que vous donnez.
C’est ainsi que perdure le pacte, en effet. Alors ? Veux-tu ?
Bien-sûr que je le veux.
J’ai cru que tu aimais Line tant tu étais obnubilée par elle, ainsi je me trompais.
Tu ne te trompes pas, d’une certaine manière j’aime Line plus que tout. Mais ce n’est ni du désire, ni du romantisme, non, je l’adore comme une déesse et mon vœux le plus cher est d’être comme elle.
Soit.
………….
Le ciel s’éteint dans un bleu nuit profond et insondable. Quelques étoiles s’y agrippent de leur faible éclat jaune, réduites à paraître aussi fades que les néons des avions de ligne. Le froid plonge mon corps dans un plaisant engourdissement.
- Ce soir, ce que tu as joué, c’était vraiment magnifique, se réjouit Line en me rattrapant à la sortie du conservatoire.
- Merci, c’est gentil, dis-je sobrement.
- Tu vois, tu es venue à bout de ton stress, et sans mes cookies en plus ! plaisante-t-elle.
- C’est vrai, mais avec un goût de cookie dans la bouche, jouer est encore plus agréable.
- Tu trouves aussi !
Et elle s’esclaffe à mes côtés, elle resserre son étreinte autour de son étui, collé à sa poitrine.
- Toi, tu n’en as jamais eu besoin, tu as toujours l’air libérée de tous tracas quand tu joues, je lui fais remarquer.
- Ça ne veut rien dire, tu sais.
- Comment ça ?
- Parfois, je ne sais pas, ne le prends pas mal, mais j’ai l’impression que tu me prends pour ce que je ne suis pas.
Je suspends mes pas. Elle aussi. Elle sourit, mais porte au visage un air embarrassé.
- Qu’est-ce que tu veux dire ?
- Tout ne se e pas bien dans ma vie, tu vois, continue-t-elle les yeux baissés, enfin, je….
Pourquoi a-t-elle tant de difficultés à s’exprimer. Je ne la reconnais pas.
- C’est dur à dire, mais je ne veux pas que tu crois que je me pense parfaite. Parfois, j’ai l’impression que les gens projettent sur moi des personnages que je ne suis pas. Au lycée, quand je ne leurs donne pas ce qu’ils attendent, je e pour une pétasse snob, je n’ai jamais voulu ça. Et avec toi aussi…
Derrière elle, j’aperçois le démon. La muqueuse qui recouvre son petit corps luit à la lumière blafarde du lampadaire. Il est temps.
- Line, je dois rentrer.
Elle tressaille :
- Je suis bête, je ne sais pas pourquoi je te raconte ça. Ce n’est même pas ce que je voulais te dire.
Les yeux du petit démon s’ouvrent grand, comme si quelqu’un les avait écarté à main nue jusqu’à laisser deux trous béants qui engloutissent la moitié de son visage.
- Désolé Line, je dois rentrer, je répète.
- Attends, je… !
Le néant.
Illustration : Peony Yip
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